Prenons du bon temps...

Mercredi 26 janvier 2005, sortait le film Indien Matrubhoomi, un monde sans femme du réalisateur Manish Jha. Pour l'occasion, Métro, journal gratuit (etc etc), publié cet article qui m'a touché...

Près de cinquante millions de femmes seraient portées "manquantes" en Inde, selon Manish Jhâ. Le jeune réalisateur de 26 ans a décidé d'alerter le monde et son pays sur un fléau méconnu, "l'infanticide féminin".
Supprimées à la naissance ou grâce à la pratique de l'avortement sélectif, les femmes perdent du terrain sur le plan démographique. A l'instar du Prix Nobel d'économie de 1998, son compatriote
Amartya Sen, Manish Jhâ dénonce la proportion déclinante des filles par rapport aux garçons (945 filles pour
1 000 garçons en Inde en 1991, 927 pour 1000 en 2001.)
Livrée aux cinq frères
Dans son film Matrubhoomi, un monde sans femmes, il imagine une société dans laquelle les femmes sont une espèce en voie de disparition. Et ce monde d'hommes devient fou. Inspiré d'un fait réel relaté par un journal - le cas d'un village indien où il ne reste plus une seule femme -, le film raconte le calvaire de Kalki, une beauté de 16 ans, perle rare dans une région où la population féminine a été décimée. Ramcharan, qui cherche désespérément à marier ses cinq fils, achète la jeune fille à prix d'or. Son père l'avait cachée afin de la soustraire aux instincts déchaînés des mâles du coin livrés à eux-mêmes. Kalki subira nuit après nuit les assauts des cinq frères et de leur père. Humiliée et battue, elle assistera à l'élimination des rares amis qui lui apportent un peu de réconfort, le plus jeune frère et Raghu, le serviteur issu d'une caste inférieure.
Un film coup-de-poing

Manish Jhâ a voulu faire un film coup-de-poing parce que "les gens ne sont pas conscients de l'ampleur du problème". En ville, l'infanticide féminin est devenu d'autant plus banal que l'échographie permet d'avorter lorsque c'est une fille, "un acte moins difficile à accomplir que de tuer un bébé", explique le cinéaste. Une loi a bien été promulguée qui interdit la divulgation du sexe de l'enfant lors de l'échographie. Mais, comme pour la tradition de la dot, interdite depuis 1947, "le gouvernement ne peut pas aller dans toutes les maisons", fait remarquer Manish Jhâ pour qui la solution réside dans "un changement des mentalités".
"La sexualité étant encore taboue chez nous, notre éducation sexuelle passe d'abord par les films pornos, disponibles bien qu'illégaux", explique le jeune réalisateur. Comme "il n'y a pas de maître sans esclave consentant", les femmes aussi "doivent se débarrasser des carcans". Manish Jhâ voit dans les films de Bollywood un danger plus vicieux que celui du porno, qui n'affiche pas d'ambition éducative. "Les films de Bollywood, eux, prétendent dresser le portrait de femmes modernes et éduqués. Mais les filles restent des objets esthétiques et les intrigues, centrées sur les hommes". Or, en Inde, le cinéma est "l'opium du peuple", constate Manish Jhâ. Des millions de gens vont voir tous les jours des films qui influent sur leur manière de s'habiller, de parler et de penser. Bollywood, derrière la façade, c'est le XVIIIe siècle."

Jeu 28 avr 2005 Aucun commentaire